Claude garde un attachement particulier à ses racines alsaciennes. Dans une autre vallée plus au sud, dans le Haut-Rhin, plus précisément à Lauw et Masevaux, au passé lié à l’industrie textile comme ici même, a travaillé mon grand père Marcel, frère de Roger, le père de Claude et quelques souvenir de vacances restent présents dans ces lieux, dans son cœur. Je le sais : il me l'a dit.
Quand Odile Lacaf m’a demandé de le présenter, je me suis demandé ce que je pouvais retenir en quelques minutes de quelqu’un qui compte bien entendu beaucoup pour ma famille. Alors je me suis dis : comment le présenter ? Est-il nécessaire de le faire ? Exercice périlleux ? En y réfléchissant bien je me suis dit que non parce que Claude est tout sauf un homme et un acteur compliqué. Complexe c’est certain, subtil évidemment et c’est cela qui fait tout l’intérêt de son jeu qui s’est affirmé durant soixante années de carrière, soixante années de théâtre, de cinéma, 80 films à son actif tournés avec des réalisateurs prestigieux, des « Grandes Manœuvres » de René Clair au tout dernier « Cherchez Hortense », en passant par « Je t’aime, je t’aime » d’Alain Resnais, le fim qu’affectionne le plus l’acteur, l’incontournable et inénarrable « Tontons Flingueurs », « Le Crabe Tambour » de Schoendorffer, « Le Souper » de Molinaro (César du meilleur acteur), mais également des films plus intimistes et graves comme « La femme de Jean » de Bellon ou plus cruels comme « La Guerre des Polices » de Robin Davis. Tout ceci n’est bien entendu qu’un choix personnel de ma part, bien d’autres films mériteraient d’être cités, notamment des « apparitions » splendides, insolentes ou croustillantes dans les films de Bruno Podalydès, Pascal Thomas ou Valérie Lemercier, et Truffaut bien sur (« La mariée était en noir »).
Des rôles très différents où l’ont reconnaît chaque fois l’allure l’attitude et l’implication tout en retenue de Claude.
Je n’oublie pas bien sur le théâtre. Claude n’a pas quitté les planches depuis 50 années. Je garde pour ma part des souvenirs particuliers, émouvants, quand jeune garçon nous rendions visite à Claude et sa femme Catherine dans sa maison et qu’il répétait ses rôles dans son jardin au milieu de ses poiriers, quand je suis venu jouer quelques scènettes devant lui avec mon camarade de lycée Denis Podalydès, et au théâtre quand mes parents n’avaient pas voulu que je vois « Honni soit qui mal y pense », pièce irrévérencieuse et insolente mais quand un peu plus tard, adolescent, je suis allé le voir dans « Lorenzaccio » de Musset à la Comédie Française, ensuite quand je suis retourné trois fois voir « Un habit pour l’Hiver » pièce écrite et jouée par Claude avec Claude Pieplu, mais aussi en alternance avec George Wilson, Jean Bouise et Fred Personne, mais encore « Le Souper », la pièce, avec Brasseur, ou ce très beau duo avec Denise Gence dans une pièce de Billedoux, mise en scène par Lavelli, au théâtre de la Colline, ou en 2003 « Les Braises » dont Claude a fait l’adaptation, joué avec Bernard Verney, dans le petit théâtre écrin de l’Atelier. Ce fut un retour puisque Claude y avait joué « Château en Suède » en 1960 dans ce théâtre mythique et qu'il était aussi celui de Charles Dullin son premier professeur.
Claude c’est aussi l’auteur de quatre pièces de théâtre remarquables dont trois ont été jouées avec succès et la dernière « Les Hulans » attend d’être montée…
Enfin pour tenter de décrire ce qui caractérise le jeu de Claude je trouve que c’est un comédien qui travaille ses rôles avec la distance propre au théâtre, et c’est toujours avec un recul amusé, ce phrasé musical, légèrement éraillé, sa manière de se déplacer particulière, de rester souvent comme en suspend et soudain de changer de registre, devenir enfant naïf ou vieillard aigri, comme ça, sans crier gare … (Claude: "Maintenant je ne suis plus qu'un vieillard aigri !" - Rire de l'assistance). Tu peux enlever le mot aigri et ce sera parfait ! Tu es une belle personne, c'est ça qui compte.
Enfin d’autres personnes le disent mieux que moi. Ariane Mnouchkine « Un comédien, comme tout artiste, est un explorateur. » et Sacha Guitry :« J’adore être comédien. C’est tellement plus réel que la vie. »
Ce qui résume finalement très bien la personnalité de Claude.
Discours de présentation lors de la soirée d'inauguration du festival Claude Rich (Cinéma le Royal- Rothau, Bas-Rhin)